J’ai fait une photo de ma boîte mail. 940 mails non traités. Puis une autre plus tard : 640. Oui, j’avais trié 300 messages (vous me connaissez, j’aime bien les chiffres ronds). Et non, je n’ai toujours pas terminé. Et les nouveaux messages arrivent plus vite que je ne trie les anciens… Et ça, c’est juste pour la boîte mail de Courgette, la privée, c’est pareil, celle pour mes activités artistiques c’est pareil aussi…
Bienvenue dans la vie d’une éditrice indépendante. Derrière les livres envoyés, présentés en salon, défendus en librairie, il y a… ça. Des centaines et des centaines de mails à traiter, tous plus urgents les uns que les autres, tous liés à une facette du métier que l’on ne voit jamais quand on feuillette un joli bouquin : une charge administrative colossale ! Et, non, Chat GPT ne peut pas faire à ma place. Et, non, même si j’avais les moyens de payer qq1, je ne pourrais pas déléguer le traitement complet de cela…
Parmi ces mails :
- des auteurices qui envoient leur manuscrit alors que les soumissions sont fermées, des auteurices qui me relancent sur leurs manuscrits envoyés il y a parfois + de 2 ans…
- des demandes de devis d’impression (pourtant je ne suis pas imprimeuse), de corrections (pourtant je ne suis pas correctrice), et évidemment des devis pour éditer (alors que je suis à compte d’édition)
- des réponses à des articles que j’ai publié sur le site et les réseaux (ça, ce sont mes préférés😍)
- des commandes librairies ou du site web
- des demandes de sponsorings
- un milliard de mails pour augmenter mon nombre de followers sur insta, pour imprimer à l’autre bout du monde.
- des questions de gens que je ne connais pas et qui voudraient que je les appelle pour leur “expliquer l’édition” (spoiler : j’ai un blog pour ça),
- des demandes pressantes de téléphoner, “juste cinq minutes”,
- des dossiers d’inscription pour des festivals, des salons, des catalogues bilingues pour l’export, des campagnes lisez-vous le belge ? un livre belge dans ma valise, etc…
Et bien sûr, les messages de nos auteurices, les échanges avec les bêtas-lecteurices, les corrections, les argumentaires de vente à rédiger, les métadonnées à vérifier, les réassorts, les courriers de l’administration, l’encodage de la comptabilité, les bilans, les conventions de stage, les remboursements de frais, l’organisation des évents, des déplacements à l’étranger et la logistique inhérente (réservation, transports…) , les dossiers à rentrer dans l’espoir d’avoir un subside pour un remboursement de frais de déplacements déjà payés… et encore, je vous passe les détails, la liste est non-exhaustive.
Ce que je veux dire ? C’est que ce métier, c’est avant tout un travail humain. Un travail qui ne se voit pas, qui ne se délègue pas entièrement à une machine, et qui n’est pas rémunéré pour lui-même, qui n’est pas instagramable, qui n’est pas linkedinable.
Lire des manuscrits prend du temps. Répondre, encore plus. Et ne pas pouvoir répondre à tout le monde — même si on en a envie — c’est frustrant. Et franchement, je suis tellement, tellement, tellement désolée de ne pas pouvoir répondre à tout le monde, et ce, malgré une organisation rigoureuse et des heures de boulot à n’en plus finir.
Mais voilà : même avec des stagiaires (et je n’en ai pas toujours), même avec un peu d’aide, il faut coordonner, vérifier, relire, organiser, planifier. Et parfois… livrer les livres soi-même, comme l’autre jour à Charleroi, entre deux réponses à des mails (et j’oublie les formations continues, les groupes de travail, … ) et la vie de famille qui attend derrière (vous savez : les enfants même quand ils sont plus grands, les parents qui deviennent vieillissants, une vie sentimentale de temps en temps).
Vous me connaissez : ce billet n’est pas une plainte. C’est un coup de projecteur sur la charge administrative des éditeurices aujourd’hui, quand on veut faire les choses bien, avec éthique, avec respect pour les gens, pour les textes et pour la chaîne du livre. C’est aussi une manière de dire : merci pour votre patience, et encore désolée si je n’ai pas encore répondu. C’est sans doute dans un onglet “à lire plus tard”. Et je le pense vraiment, c’est que je ne sais pas encore “quand”.
C’est aussi pour ça que j’écris ici. Parce que l’édition indépendante à taille humaine reste une boîte noire pour beaucoup et que je n’ai pas la possibilité de l’expliquer à tout le monde individuellement.
Alors non, l’été n’est pas vraiment une pause (même si j’ai pris une vraie pause de 4 jours dans une abbaye et 3 jours dans la famille en Italie, sans mon pc !). C’est juste pas la saison des foires et salons. Mais tout le reste? Beh ça continue encore et encore (c’est que le début d’accord d’accord 🎶*).
*J’espère que vous avez la réf et la musique en tête 🤣
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